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Mobilité spatiale de la population : nécessité de développement et risques de dégradation de l’environnement dans l’Est et le Sud-Ouest du Burkina

Résultats

Tout d’abord, il ressort que l’accroissement de la population est beaucoup plus important dans l’Est que dans le Sud-Ouest à cause de la présence du lac du barrage de la Kompienga, qui attire de nombreux migrants. Parallèlement, les événements survenus en Côte-d’Ivoire à partir de 2001 ont sans doute contribué à modifier le profil migratoire des deux zones, le Sud-Ouest ayant été retenu comme site majeur d’accueil des expulsés de ce pays.

La dynamique de la population résulte également des migrations induites par l’inégale répartition des ressources naturelles sur le territoire national. Ces mouvements partent des zones défavorisées vers celles qui disposent de terres cultivables. Les migrations vers la Kompienga ont été plus importantes que dans le Poni/Noumbiel puisqu’en 1985 et 1996, puisque des soldes positifs y étaient enregistrés, tandis que le Sud-Ouest présentait un solde négatif. Les résultats des enquêtes sur les deux sites ont également montré que 34,8% des chefs d’unités d’exploitation agricole sont des migrants, souvent originaires des provinces voisines et sont généralement des hommes âgés de 30 à 44 ans. C’est donc à ce jeune âge que les hommes partent le plus monnayer leur force de travail ailleurs et préparer le retour au pays. Ainsi, l’augmentation de la population s’est accompagnée d’un éparpillement de l’habitat, avec pour effet le morcellement des exploitations agricoles, ce qui est préjudiciable à l’environnement. La situation est d’autant plus difficile à l’Est que les migrations venues du Centre et du Nord du pays (Mossi, Peul) restreignent l’espace disponible, phénomène accentué par le fait que les zones potentiellement très fertiles sont classées réserves de faune et parcs nationaux.

En 1985, le décret portant application de la Réforme Agraire et Foncière (RAF) donnait à la terre un statut nouveau, susceptible de permettre d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et « le logement pour tous ». De plus, le code de l’environnement et le code forestier fournissent les réglementations les plus pertinentes. Mais la non implication des populations à leur conception et mise en œuvre rend ces réglementations inefficaces à la préservation de l’environnement. Pour y remédier, le Burkina Faso a mis en place le Plan National pour l’Environnement (PANE) dans un souci de préservation du milieu. Le rapport du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) publié en 2003 indique cependant que les résultats des années 2000 à 2002 ont été mitigés dans la mesure où la pauvreté s’est aggravée et le cadre macro-économique s’est relativement détérioré. Au niveau régional, les situations sont contrastées : on observe dans la région de l’Est une régression du seuil de pauvreté de 56,5% en 1994 à 40,9% en 2003 alors qu’au Sud-Ouest, la situation se traduit par une augmentation du seuil de pauvreté de 44,8% en 1994 à 56,6% en 2003.

Les migrations, sources d’accroissement de la production

A l’Est comme au Sud-Ouest, les champs octroyés aux migrants sont le plus souvent des espaces laissés en friche ou d’anciens champs abandonnés. La mise en valeur de ces lopins de terre par les migrants est d’un apport considérable dans la production vivrière globale de la zone. Sur les deux sites, les migrants tendent à mettre en valeur de grandes superficies cultivables, ce qui a souvent un effet d’entraînement sur les populations locales, jusqu’ici habituées aux champs familiaux de taille plus réduite pour l’agriculture de subsistance. Les cultures de rente permettent aux migrants d’avoir des revenus assez importants pour acquérir un équipement agricole plus performant et de l’engrais pour accroître la productivité.

Rôle de la mobilité sur les conditions de vie des ménages

L’amélioration du niveau de vie des migrants s’observe assez rapidement après leur arrivée. Celle-ci est plus importante à l’Est qu’au Sud-Ouest, si l’on se réfère aux statistiques nationales sur l’évolution du niveau de pauvreté des deux zones. L’Est, notamment la province de la Kompienga, s’est peuplée ces dernières années grâce à la migration favorisée par la mise à eau du premier barrage hydroélectrique du pays, suivie d’un désenclavement de la zone grâce au bitumage de routes internationales. L’augmentation du trafic et du commerce ainsi que la migration internationale ajoutée à celle des populations de l’intérieur, favorisent la mise en place par l’Etat et ses partenaires d’infrastructures sanitaires, hydrauliques, scolaires, etc. L’augmentation des ressources grâce à la pratique de cultures de rentes, participe de même à cette amélioration des conditions de vie. Cependant, la migration peut aussi entraîner des troubles dans l’organisation sociale des villages, notamment en matière de gestion des terres.

Les conflits liés à l’insécurité foncière

Certains villageois considèrent que les migrants procèdent à l’extension des superficies qui leurs sont allouées, ou à des investissements coûteux comme l’agroforesterie, sans autorisation préalable de leur part. Sur les deux sites, la terre appartient toujours aux ancêtres et aux divinités locales. La crainte d’être dépossédé pour un motif quelconque ou le désir de pouvoir laisser leur champ en héritage à leur descendance est la raison fondamentale de recherche d’une régularisation foncière administrative de la part des villageois. Une frange de ces derniers propose de réguler la migration, de réduire les superficies allouées ou encore de limiter dans le temps l’exploitation des champs offerts aux migrants. Les difficultés liées à l’application des textes nationaux en matière foncière, plus particulièrement ceux de la RAF, explique cette insécurité foncière et cette attitude face aux migrants.

Innovations et mutations socioculturelles

L’arrivée des migrants s’accompagne nécessairement de changements culturels. Lorsqu’ils sont en petit nombre, la tendance à l’intégration est plus poussée (apprentissage de la langue, participation aux cérémonies de vie, etc.). En revanche, la reproduction des attitudes culturelles du lieu d’origine est plus forte lorsqu’il y a un grand nombre de migrants issus de la même destination de départ. De nombreux migrants ont introduit avec beaucoup de réussite la plantation d’arbres fruitiers, tels que l’anacardier, dans le Sud-Ouest, ou encore le coton, culture très développée dans l’Est. La réussite économique et sociale engendrée a pour avantage de fixer les jeunes dans leur nouveau terroir. Toutefois, l’introduction de l’argent crée une catégorie sociale qui transcende souvent les hiérarchies traditionnelles, entraînant un changement dans les pratiques et représentations socioculturelles. Une autre transformation observée est la multiplication des marchés permanents, avec l’introduction par les migrants du petit commerce, de la mécanique, de la menuiserie, etc. L’emploi rural non agricole se développant, ceci entraîne une diversification des sources de revenus et une ouverture à l’économie de marché.

La dynamique du milieu naturel

Le phénomène migratoire a pour effet de contraindre les populations résidentes des deux sites, migrants et non-migrants, à déboiser pour disposer de nouveaux champs. Dans les provinces de la Kompienga, du Poni et du Noumbiel, la mise en valeur des terres agricoles se fait au détriment de la végétation. La dégradation des formations végétales s’observe tant sur les plans de la distribution spatiale que d’un point de vue qualitatif. Les images satellitaires permettent de décrire la dynamique des paysages végétaux qui montre que les différentes classes de l’occupation du sol ont connu des variations notables de 1984 à 1999, entre savanes boisées, arborées et arbustives. La tendance à la dégradation des formations naturelles semble généralisée à toute la province, et ceci même dans les aires protégées. Les mêmes analyses appliquées aux provinces du Poni et du Noumbiel font ressortir également une évolution régressive du couvert végétal qui, combinée aux pratiques culturales, exposent les terres aux effets insidieux de l’érosion que sont le ravinement, le décapage et le sapement des berges.