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Circulations Migratoires Transsahariennes et développement urbain au Sahara Central (CIRMIDES)

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Description des circulations migratoires

Les turbulences politiques à l’œuvre en Afrique de l’Ouest et les déplacements massifs de populations participent à la construction de nouvelles configurations migratoires : pour atteindre les « forteresses du Nord », la migration par étapes redevient un scénario fréquent. Les villes et villages situés sur les itinéraires empruntés par les migrants subsahariens affirment ou réaffirment leurs fonctions de transit pour des populations africaines de plus en plus nombreuses. L’observation des voies possibles de migration, des itinéraires empruntés, conduit à constater qu’il y a enchevêtrement, parfois juxtaposition, des routes migratoires et des routes commerciales anciennes (routes caravanières) et de routes récentes (routes du pétrole et du minerai, de désenclavement, etc.). Aussi des perturbations dans le dispositif migratoire et marchand entre le Darfour et la Libye découlent-elles d’un déplacement de la circulation régulière par la route à une circulation aérienne qui prélude à un « démantèlement de l’espace de circulation migratoire » dans cette région. La géographie des flux migratoires, sans cesse modifiée par la rectification des itinéraires, relève aussi de la réadaptation des stratégies de mobilité, voire de reformulation des projets.

Si au Sahara libyen et algérien, le migrant utilise le contexte ethnique sahélien et les chaînes migratoires pour circuler dans les métropoles nord-africaines, de nouvelles variantes apparaissent. Par exemple, à Tunis, les migrants se rapprochent des grandes institutions dans l’attente du départ. Autre exemple, l’université d’El Azhar (Egypte) joue un rôle dans la migration (étudiante) des Subsahariens et la figure du migrant devient alors celle de l’élite musulmane africaine. Quant à l’« exilé en transit », qui incarne la figure du migrant en quête de demande d’asile, il se rapproche naturellement des institutions internationales du Caire.

Deux autres caractéristiques de la circulation migratoire méritent attention. Il s’agit tout d’abord de la réinsertion des migrants burkinabé avec d’un côté, un mouvement spontané de retour au Burkina Faso dans le contexte de la crise ivoirienne dès les années 1990 et, d’autre part, du retour institutionnalisé des Burkinabé à partir de 2002 (opération Bayiri) dont l’insertion relève en revanche plutôt de l’aide familiale et de la solidarité communautaire. Deuxième trait, au Burkina Faso, on note une attention particulière portée par les responsables au le lien entre migration et urbanisation dans les espaces de retour, grâce à des dispositifs publics et privés facilitant l’investissement et le transfert bancaire dans le pays d’origine.

Un modèle de développement urbain, traduction des interactions Cirmides

Les indicateurs qui montrent cette réalité nouvelle de villes émergentes dans les espaces de circulation migratoire sont : (1) le mode de croissance de la population où les taux d’accroissement naturel contribuent avec une faible part dans le croît démographique total, celui-ci étant dû surtout aux migrations internes, (2) la structure urbaine qui s’avère un indicateur très pertinent. La principale originalité de la ville de migration réside dans son organisation spatiale et son fonctionnement pour le migrant installé temporairement ou en transit.

Les observations permettent de définir les modèles qui répondent au fonctionnement en interdépendance de territoires urbains transfrontaliers qui autorisent l’arrimage des villes pauvres du Nord du Sahel aux villes mieux dotées du Sud algéro-libyen. La bi-modalité de la structure urbaine y répond à deux types de logiques d’acteurs publics et sociaux : dans le Sahara algéro-libyen sont produites les conditions de captage des migrants en tant que force de travail employée dans les chantiers que génèrent les projets de développement (trilogie espace autochtone/ espace des migrants internes/ espaces des migrants subsahariens) ; dans le Nord du Sahel l’extension de la ville est entreprise avec la logique de développer la fonction de transit, voire de carrefour migratoire. La structure urbaine, unitaire ne produit pas de discrimination entre les espaces, les lieux de sociabilité étant accessibles au migrant.

C’est vers ces modèles urbains que tendent les petites agglomérations en développant des structures spatiales à même de s’aligner sur celles des villes confirmées dans l’accueil et le transit des Subsahariens. Le fonctionnement en réseau de ces villes se manifeste dans la dynamisation des secteurs d’activités économiques, tandis que, pour des questions stratégiques, les acteurs publics algériens et libyens investissent dans les infrastructures économiques et sociales durables. Cette structure urbaine permet le fonctionnement complémentaire des sous-réseaux urbains sahariens transfrontaliers dont le fonctionnement est basé sur les écarts de ressources qui existent entre les villes du Sahara algéro-libyen dotées de subventions étatiques et de ressources financières locales et les villes nord-sahéliennes qui tirent des revenus des activités induites par la circulation migratoire des Subsahariens. Cette économie de transit se place dans l’entre-deux des flux marchands informels et des flux marchands formels rendus possibles par le système de troc pour le cas algérien.

Circulations migratoires, écosystèmes urbains et développement durable

Inscrites dans l’écosystème saharien qui présente une vulnérabilité de tous ses constituants (eau, végétation, sol agricole), les urbanisations sur les modèles standard et les urbanisations spontanées détériorent ces éléments que des installations humaines plus anciennes ont su plus ou moins maîtriser en instaurant le modèle oasien. Les écosystèmes urbains des villes sahariennes, dont la croissance est accélérée par la circulation migratoire, ont perdu leurs qualités environnementales : disparition du couvert végétal liée à l’élargissement urbain, distorsion entre modèles urbains et modèles locaux, intensification des circuits de nomadisation et surpâturage, prolifération de maladies liées à l’absence de système adapté de gestion des déchets, inondations, stagnations d’eau, contamination des nappes, etc.

Dans ce contexte, on peut déceler toutefois des interventions politiques à caractère durable, comme c’est le cas au Burkina Faso, où les émigrés sont associés dans certaines limites aux grands projets urbains. Cependant, qu’il s’agisse des villes de transit des Subsahariens ou des villes à partir desquelles s’organisent leurs départs, les handicaps qui éloignent du développement durable sont à situer à deux niveaux : (1) les enjeux réels de la circulation migratoire ne sont pas pris en considération par les opérateurs internationaux qui interviennent dans la lutte contre la pauvreté dans les pays subsahariens ; (2) les acteurs locaux, sensibles à la problématique du développement urbain en lien avec la circulation migratoire, présentent de graves limites en matière de gouvernance.

Afin de décliner les enjeux du lien entre développement urbain et circulation migratoire, et rechercher les pistes à explorer pour des interventions pertinentes, on peut déplacer les investigations à l’échelle du méta-système méditerranéo-subsaharien, qui inscrit les processus complet de développement urbain en lien avec la mobilité des Subsahariens. Les données obtenues ont permis aux membres de l’équipe de dégager, dans un premier temps, les modèles d’interactions Cirmides et, dans un deuxième, leur impact environnemental. Les termes de référence que l’on doit utiliser pour qualifier la durabilité dans l’espace de circulation migratoire méditerranéo-subsaharien ont été recherchés dans un double contexte : celui du milieu humain et celui milieu physique.