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Quelles transitions agraires en zones semi-arides à forte croissance démographique : le cas du Niger

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Contexte de l’agriculture au Niger : pression anthropique et risque environnemental

Il ressort de l’analyse du contexte national et régional d’exercice de l’agriculture au Niger que la crise de l’agriculture nigérienne qui a débuté dans les années 1970 perdure et s’aggrave sous le poids de la démographie, du changement climatique et des pratiques agricoles et itinéraires techniques pour l’essentiel caducs. Cette agriculture, du fait de sa faible productivité, ne peut pas supporter le scénario démographique tendanciel actuel. Le scénario interventionniste d’« appel à l’action » peut donner une marge de manœuvre relative pour promouvoir d’une part, des actions de prévention des graves crises écologiques, alimentaires et socioéconomiques à venir, dont les premières manifestations aiguës sont apparues en 2004, précisément dans la région de Maradi et, d’autre part, pour engager des actions de développement durable. Ce scénario exige cependant un engagement politique fort et une mobilisation de tous les acteurs concernés pour mettre en œuvre les réformes qu’il implique.

Sur le plan démographique, il implique : 1) le libre choix de la population d’utiliser diverses méthodes contraceptives efficaces, ce qui devrait se traduire par une augmentation réaliste, régulière de l’utilisation de la contraception ; 2) une liberté plus grande concernant les mariages qui se traduirait par une réduction majeure des mariages précoces et, par conséquent, une diminution de la proportion de femmes mariées entre 15 et 19 ans ; 3) le maintien d’une durée élevée de l’allaitement maternel, bénéfique à la santé des enfants et de leur mère et une sensibilisation permanente.

Sur le plan agronomique et de la préservation du capital naturel, seuls les efforts d’investissement dans l’équipement rural de base, dans la formation et dans l’organisation des producteurs peuvent freiner les évolutions en cours. La durabilité du développement agricole se pose donc avec la même acuité aux niveaux national et régional. Cependant, des spécificités interrégionales existent : la région de Maradi est une zone de saturation foncière. La gestion de la fertilité des terres à travers la jachère a quasiment disparu pendant que le développement de la pauvreté annihile les capacités d’accès aux intrants des agriculteurs. La population de Maradi et sa densité sont respectivement de 1,2 fois et 2,6 fois supérieures à celles de la région de Tillabéri. Là, si le rôle des jachères dans la remontée biologique des terres a significativement baissé, son rôle dans l’approvisionnement en bois énergie, en fourrage et en pharmacopée reste encore important.

Actuellement, les dispositions politiques, institutionnelles et juridiques en vigueur au Niger pour prendre en charge ces différentes dimensions du développement durable, notamment les interactions agriculture-environnement-démographie, sont contenues dans le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté. Ces interactions à l’origine des dynamiques agraires peuvent être mieux appréhendées à travers l’analyse des modes d’exploitation du milieu rural à une échelle plus locale.

Modes d’exploitation du milieu rural, migrations et transition agraire

Face à la baisse généralisée des rendements de cultures et de la production des pâturages du fait des itinéraires techniques inadaptés, des effets du changement climatique, des parasites des cultures, les paysans mettent en œuvre des pratiques et stratégies d’adaptation. Parmi elles, on peut citer la gestion de la fertilité des sols (fumure organique, fumure minérale, jachère et défrichement), la diversification des cultures, la production et vente d’animaux, la lutte contre les parasites.

Plusieurs activités génératrices de revenus permettent aux paysans d’atténuer les effets du déficit vivrier consécutif à une sécheresse. Dans les régions rurales de Maradi et de Tillabéri soumises à une forte croissance démographique, les migrations (l’exode) se sont accélérées au cours de ces dernières décennies en raison de la dégradation de l’environnement et des conditions climatiques défavorables qui ont contribué à augmenter l’insécurité alimentaire. Ces migrations s’intègrent parfaitement dans les stratégies d’adaptation à l’évolution des systèmes agraires incapables d’assurer les besoins alimentaires des populations.

Les mouvements migratoires seraient l’une des conséquences des mauvaises récoltes. En effet, l’insuffisance des récoltes constitue la motivation principale du départ en migration pour plus de la moitié des migrants. Les motivations secondaires sont, entre autres, la recherche de revenus complémentaires, la recherche de la dot, l’attrait pour une autre vie.

Les migrations dans ces deux régions sont caractérisées par leur nature temporaire et circulaire. En effet, ce sont les migrations saisonnières qui prédominent. Ainsi, la majorité des migrants de retour ont déclaré avoir passé de trois à six mois dans leurs lieux de séjour.

La plupart des personnes migrent pendant la saison sèche ou peu après les récoltes et reviennent généralement avant les premières pluies. L’analyse du profil des migrants montre que ceux-ci sont majoritairement des hommes jeunes. En effet, plus de deux tiers des migrants de retour ont moins de 40 ans. La majorité d’entre eux débute leur vie migratoire à moins de 20 ans. Les flux migratoires se déclinent en migrations internes et externes. Les migrations internationales sont principalement dirigées vers le Nigeria pour les ressortissants de la région de Maradi et le Togo, le Bénin, le Ghana et la Côte d’Ivoire pour les ressortissants de la région de Tillabéri.

Les revenus de la migration contribuent essentiellement à la survie des exploitations. En effet, le premier poste d’utilisation des ressources générées par la migration est l’achat de vivres. La migration joue ainsi un rôle important dans la réduction de l’insécurité alimentaire. Les migrations ne s’inscrivent pas dans une logique d’abandon des espaces de départ, mais contribuent plutôt au maintien de leur peuplement. Il est alors légitime d’affirmer que le sort des paysans est désormais lié à leur mobilité spatiale, d’autant plus que les migrations constituent une des adaptations majeures aux contraintes des systèmes de production.

Les ressources de la migration sont cependant susceptibles d’être investies dans l’agriculture à travers l’acquisition d’un champ, l’achat d’intrants comme les semences améliorées, les engrais, les outils aratoires. L’utilisation des ressources migratoires pour moderniser l’exploitation, acquérir des moyens mécaniques, augmenter le cheptel et le patrimoine foncier, financer une main-d’œuvre agricole ou même payer des vivres, participe à la transformation des systèmes agraires. Cependant, ces investissements ne sont visibles que lorsque la situation alimentaire le permet car dans les régions soumises à une insécurité alimentaire chronique, les ressources migratoires sont essentiellement utilisées à des fins de survie. Dans ce cas, la migration est rarement une opportunité d’accumulation ou d’investissement dans l’exploitation agricole.

Dans la zone de colonisation agricole récente, les migrations contribuent à l’accroissement de la population et de celui de la pression sur les ressources naturelles. L’impact sur l’environnement se traduit par l’augmentation de la pression foncière sur les terres mises en culture et la réduction des réserves foncières.